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Hier soir au Monastère se déroulait la première de Rapture du chorégraphe chouchou Dave St-Pierre, spectacle qui sera présenté jusqu’au 6 août. Se voulant comme un hommage aux victimes du SIDA, mais également aux victimes de la discrimination, l’oeuvre s’inspire de la pièce de théâtre Angels in America de Tony Kushner et de la série britannique It’s a Sin de Russel T Davies, abordant toutes deux la dure réalité des personnes séropositives dans les années 80.
*L’expression « communauté 2SLGBTQIA+ » (Bispirituels, Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Trans, Queers, Intersexes, Asexuels, et plus) est de plus en plus utilisée afin de ne pas invisibiliser certaines identités et orientations, mais pour la fluidité du texte j’emploierai l’expression « communauté queer » qui est plus vague, mais relativement englobante.*
Dans une nuance plus actuelle, Dave St-Pierre aborde également les enjeux de transidentité et de la violence transphobe de manière assez graphique, mettant en vedette la danseuse trans Mélusine Bonillo. Celle-ci apparaît dans la première séquence en robe de gala pailletée et manteau de fourrure, elle est statuesque avec son allure de star hollywoodienne, puis se fait entraîner dans des scènes de violence et de tourmente particulièrement déchirantes, me poussant moi-même à pleurer silencieusement à plusieurs reprises pendant le spectacle.
On retrouve également sur scène des interprètes aux couleurs de peau et aux morphologies variées, concept qui peut sembler anodin à l’écrit, mais qui est en réalité extraordinairement cathartique. La pièce ouvre avec le colosse ventru Vincent Reid, tonitruant quand il tape du pied pour lancer le bal dans un rave intense et électrisant où débarquent tour à tour les interprètes. Voir quelqu’un de la carrure de Vincent Reid danser est frappant: combien de fois avez-vous vu une personne grosse danser sur scène?
Plus encore; combien de fois avez-vous des personnes de couleur, trans ET grosses, se partager une scène? À chaque personne grosse, de couleur, ou à l'expression du genre marginale qui montait sur scène, un sourire s'étampait dans ma face.
Pour chaque corps marginalisé qu'on présente au public, quelqu'un dans la foule se donne un peu plus le droit d'exister authentiquement. Cette mosaïque émouvante et pourtant d’une cruelle simplicité valait en elle-même une ovation.
Les différents tableaux proposés abordent un éventail assez vaste de thèmes: la célébration de la sexualité, mais également combien celle-ci est difficile à naviguer pour les personnes atteintes de SIDA, les personnes atteintes de dysphorie du genre, ou encore dont l’orientation sexuelle ou l’expression du genre est considérée comme taboue. Il y est également question de violence physique et psychologique dont sont victimes les personnes trans, allant jusqu’à parler d’agressions, d’homicides, et ce qui m’a semblé de la transphobie médicale et systémique.
Ces scènes douloureuses sont entrecoupées de retours à la réalité: les interprètes apportent leur aide à Mélusine, placent les décors, préparent la scène qui suivra, etc. Ces bouffées d’air sont stratégiquement placées, car l'œuvre aurait pu être insoutenable tant elle est empreinte de traumatismes. Pendant le spectacle, je m'inquiète sincèrement pour Mélusine qui interprète la victime de tous ces actes haineux, un personnage hantée par la honte, mais l’apparente complicité et le support de ses collègues apaisent. Ils nous rappellent que la force de la communauté queer est dans sa solidarité.
Bien que queer moi-même et très intéressée à la contre-culture associée à ce mouvement, Rapture m’a fait réaliser combien même aujourd’hui, avec des vedettes trans sur Netflix et cie, la culture queer est toujours en périphérie de la culture populaire. La culture populaire s’octroie des médailles pour chaque petite miette de visibilité qu’elle donne aux minorités, comme s’il s’agissait d’un acte de courage incroyable, mais Rapture démontre que ce n’est pourtant pas si compliqué de faire de la place pour tout le monde. Je n’avais jamais vraiment entendu parler de Angels in America, ni de It’s a Sin, mais j’ai plutôt bien suivi l’histoire, interprétant de mon mieux les quelques références qu’il me manquait. Par exemple, il y a de vrais anges dans Angels in America, je l’ai découvert ce matin en lisant le résumé du livre, moi qui pensais que c’était une image. Il y a un ange dans Rapture, et je l’ai vu comme l’incarnation de l’homme que Mélusine ne pouvait pas être, ou l’homme que d’autres auraient voulu qu’elle soit, et ce n’était peut-être pas le sens réel de cet ange, mais ça avait du sens pour moi.
En vérité, ça signifie simplement que j’ai un beau livre à lire pour mieux comprendre l’impact du SIDA sur la culture queer, et ça, c’est une bonne nouvelle.