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Du 23 au 25 février dernier le Tanztheater Wuppertal, compagnie de feu Pina Bausch, s’est approprié la Salle Wilfrid Pelletier pour une reprise de Palermo Palermo, célèbre pièce de leur répertoire.
Ce monument de la danse contemporaine du siècle dernier méritait bien un double regard ; notre collaborateur Jérôme Bouclet et notre rédactrice Eléonore Paul ont assisté à la première et prennent la plume ensemble. À travers l'expérience de Jérôme, Eléonore partage ses réflexions...
Je trépigne de joie et d’impatience à l’idée qu’un spectacle de la grande Pina Bausch va se dérouler à quelques blocs de chez moi et que j’ai la chance de pouvoir y prendre place. Je m’habille pour sortir ce soir-là, animé par l’idée que la légende du Tanztheater Wuppertal perdure au travers d’une nouvelle génération de danseurs et que l’un de ses chefs-d’œuvre s’incarne à nouveau à Montréal!
C’est pour moi encore une victoire de l’art sur la mort. Pina, une des mères du théâtre pluridisciplinaire est encore là et je sens son cœur battre. Un spectacle vivant, mêlant la danse et le théâtre, qui nous parait aujourd’hui plutôt classique, mais qui reçut de nombreuses critiques lors de ses débuts et pour lequel Pina dut se battre contre ses détracteurs. Ce n’est que dans les années 80 que Pina a commencé à être reconnue par ses pairs et c’est durant cette période qu’elle fait une série de résidences qui donne naissance à des pièces drôles et émouvantes qui décrivent les habitants de ces villes ainsi que leurs us et coutumes.
Je prends place sur les fauteuils rouges et je voyage ce soir à Palerme…
La pièce s’ouvre sur un gigantesque mur de briques, qui s’effondre, laissant un terrain bancal de gravas sur lequel les danseurs-acteurs doivent composer. Imbriquées les unes dans les autres, les briques forment ce tableau imparfait qu’est notre comédie humaine ; leur chute initiale annonce les prochaines heures de luttes intérieures et collectives que vont nous faire vivre les artistes.
Ce chantier est non sans rappeler les vestiges des luxueux palais siciliens, lacérés par la mafia, la famine, la crise… Les artistes déambulent dans ce paysage désordonné au rythme des cloches, souvenir lointain du son assourdissant des dizaines d’églises de Palerme. Mais la pierre d’une ville n’est rien, sans les humains qui l’usent. Ce sont ainsi 21 danseurs, imprégnés par les sons, odeurs et humeurs de Palerme qui sondent les mystères de l’âme humaine. À travers ces décombres ils deviennent eux-mêmes figures-objets d’une construction bancale. Les corps se figent et se transportent aussi bien qu’une table, qu’une chaise ou qu’une bouteille d’eau…
L'intensité de l'expérience est d'autant plus émouvante quand on pense à celle des spectateurs berlinois de l’époque qui assistent en moins d’un mois à la chute de deux murs, l’un qui signe la fin d’une l’époque, l’autre qui en fait le bilan.
Des personnalités fortes et multiples nous racontent différents tableaux de la ville. Partant de cette femme qui se déhanche de manière provocante et qui demande finalement sur l’avant-scène qu’on lui écrase des tomates sur le visage. Durant toute la pièce emprunte de ses contradictions, elle appellera ses deux fidèles amants pour leur demander de l’embrasser, mais aussitôt elle se refusera à eux, et aussi vite leur en redemandera.
Passant par la violence crue de la mafia incarnée par un charismatique champion de boxe, se découpant des lanières de bras pour les faire cuire sur un fer à repasser et les manger. Il prouve ainsi aux yeux des spectateurs inquiets sa virilité sans conteste.
Finissant par la drolatique caricature de la mama qui nous présente ses spaghettis en nous précisant qu’elle ne les partagera pas! Jamais! Illustrant à la fois l’attachement à sa culture et la cupidité absconse de l’être humain.
La chute originelle se clôture par une marche réunificatrice où les 21 artistes avancent lentement bras dessus, bras dessous, une pomme en équilibre sur la tête. Dans ce tableau final, Pina Bausch vagabonde entre plusieurs mythes : elle nous fait traverser les rivages normands (Thétis et la pomme d’amour), nous amène en pleine Guerre de Troie (pomme d’or et de la discorde), sans oublier le mythe originel où le fruit devient symbole de péché et de tentation.
Réécriture possible du tableau Le fils de l’homme de Magritte, la scène finale réinterprète le mystère essentiel qui réside dans chacune de nos existences. En peignant une pomme devant le visage d’un homme, le peintre surréaliste offrait un combat entre le visible-caché et le visible-apparent. Avec Pina Bausch, la pomme remonte pour se poser au creux du crâne de chaque artiste : si mystères il y a, ils sont assumés et en équilibre tant que l’individu se laisse soutenir par le collectif.
Palermo Palermo ce sont des danseurs inénarrables, des corps désarticulés que d’autres manipulent comme on fait vivre des pantins, qui racontent l’aliénation des esprits au travers d’une société qui n’a souvent ni queue ni tête. On retrouve souvent ces personnages répétant inlassablement la même série d’actions, jusqu’à ce qu’elle perde son sens. Les comédiens quittent la scène dans une absurde queue leu leu… Un peu comme moi et les Montréalais qui regagnons le métro, bien en ligne et la tête pleine de rêves!