Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
Après plusieurs années de travail pour aborder la question du mythe tragique, Francis Ducharme inverse le défi et fouille, interprète et vit la figure de l’antihéros à travers des rituels quasi païens, comme il nous le précisait il y a quelques semaines dans une entrevue.
Lors de notre arrivée à l’Agora (et le nom de la salle fait ici plus que sens), la foule est présente, les gens sont serrés, tout le monde souhaite déambuler dans le hall, la chaleur extérieure rend les corps des spectateurs collants, repoussants et attachants; une effervescence anime cette soirée de rentrée culturelle qui sera, somme toute, particulière et renversante.
Les portes de l’Agora s’ouvrent et c’est Ducharme lui-même qui scanne nos billets. Les spectateurs se dirigent telle une foule en délire prête à assister à l’agôn (combats dans les tragédies grecques), et nous faisons face à une salle vide, sans conception lumineuse perceptible, avec une régie à vue, placée sur le côté. Un peu penauds, sans doute, nous nous installons tant bien que mal debout ou assis par terre, longeant l’espace de la salle au complet.
Le programme du spectacle cite les mots de Ducharme « je ne sais pas ce qui se passera ce soir. J’ai rien et tout préparé. Tout est à inventer. Il n’y a que vous et moi et ce fil invisible qui nous relie. Je suis le contenant, vous êtes le contenu ». Tout est possible.
Les portes de l’Agora se ferment, malgré quatre dernières personnes qui essayent d’avoir des billets, tant bien que mal. Ducharme déambule et commence à jouer avec les spectateurs. Passe entre nous, de manière sinueuse et serpentine. Puis, un mot est pigé au sort : « carré ». Carré. Ducharme délimite alors un espace, carré, entre les spectateurs, à l’aide d'adhésif rose vif, le tout sous l’œil aiguisé du cameraman et documentariste pour le projet Gabriel-Antoine Roy.
À partir de cet instant, beaucoup de chaises se mettent entre Ducharme et les spectateurs. Chaises qu’il ouvre une à une avec force et violence. Chaises qu’il nous donne pour que l’on s’assoie plus confortablement. Nous commençons alors à aller le rejoindre sur scène (toujours sous les lumières basiques de la salle de spectacle), pour l’aider à les déplier, les prendre, et s’installer. C’est bien après qu’il nous apprend que les sièges de l’Agora sont disponibles, un jeu de va et viens des spectateurs continue, et nous réalisons qu’il est, à ce moment-là, en possession de la soirée, nous nous faisons complètement manipuler.
De toutes les personnes restantes — oserons-nous les nommer les spectateurs-acteurs? — six sont choisies au hasard pour le rejoindre sur scène (j’ai eu l’honneur de faire partie de ces six personnes). Il nous installe alors au milieu de la scène et commence une performance plus physique, à la fois apeurante et attirante. Les mythes ? Les monstres ? Le sacré ? La masculinité toxique ? On y voit ce que l’on souhaite voir. Dans notre cas, le mythe et les personnages du Laocoon sont apparus de manière limpide de cette performance physique enivrante qu’il livrait littéralement sous nos yeux, en frôlant nos corps presque inertes, parfois apeurés, parfois gênés.
Après plusieurs dizaines de minutes, nous sommes renvoyés à nos places. La suite sera plus difficile à se mettre en branle, mais Ducharme invente. La conception sonore qu’il signe aux côtés de Thomas Furey nous transporte dans des univers profondément cinématographiques et des sensations de perdition et de tristesse. Après tout, pourquoi être ici face à cet artiste qui, selon certains, pourrait se ficher de nous pendant plus d’une heure quarante-cinq ? Nous préférons voir à cela un constat accablant de la figure de l’artiste et de la célébrité; un constat sur ce monde à paillettes et leur stature. On passera par toutes les émotions, du risible à l’empathie, pour un final où il ne se retrouve plus seul sur scène (et nous vous laissons la surprise si cela apparaît aussi dans votre version du spectacle). On termine à l’apogée, dans une profonde démesure qui résulte bien de notre génération et notre culture.
Mains moites est un anti-show à la fois tragique et moderne. Ducharme y livre une performance mémorable d’une puissance folle.