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On pourrait presque croire que le nouveau film de Xavier Dolan est à l’affiche depuis des mois tellement il a fait couler d’encre depuis son lancement au dernier festival de Cannes. Pourtant, Juste la fin du monde arrive sur les écrans québécois et français le 21 septembre. Ce film aura fait parler de lui pour sa distribution cinq étoiles et, surtout, pour les réactions très mitigées qu’il a suscitées lors de sa projection sur la Croisette. Le verdict : un grand cru dans la filmographie de Dolan. D’ailleurs, n’est-ce pas le propre des grands artistes que de diviser l’opinion parmi leurs contemporains?
Juste la fin du monde, adapté de la pièce de théâtre éponyme du dramaturge français Jean-Luc Lagarce, raconte le retour de Louis (Gaspard Ulliel) parmi sa famille après une absence de douze ans. Écrivain célèbre, prodige de cette famille issue d’un milieu modeste, Louis revient pour leur annoncer sa mort imminente. Cette tâche s’annonce ardue dans un clan où la communication est tout sauf facile. Entre une mère excentrique (Nathalie Baye), un frère aîné violent (Vincent Cassel), une sœur cadette admirative (Léa Seydoux) et une belle-sœur passive (Marion Cotillard), ce simple dîner en famille s’annonce comme une confrontation douloureuse.
C’est la deuxième fois que Xavier Dolan réalise une adaptation basée sur une œuvre qui n’est pas la sienne, la première étant Tom à la ferme inspiré de la pièce de Michel-Marc Bouchard. Cette fois-ci, les thèmes de Juste la fin du monde sont indéniablement plus près de l’univers de Dolan que ceux de Tom à la ferme. On reconnaît ceux qui lui sont chers : la famille, la mère, l’amour, l’homosexualité. Si, dans son dernier film, Mommy, ces thèmes étaient exploités de manière à faire vivre une montagne russe d’émotions, dans Juste la fin du monde, Dolan, et Lagarce, les utilisent pour nourrir une réflexion qui se poursuit bien après la fin du générique. Bien sûr, la pièce originale étant française, les acteurs étant français… Le film a nécessairement un caractère français. Pourtant, l’univers de Dolan s’y marie parfaitement. L’exubérance des personnages, leurs flots de paroles, leurs engueulades, leur énergie latine en font des personnages « dolanesques » presque prédestinés à vivre dans cet univers cinématographique. Le choix de situer l’action dans un espace-temps plus ou moins défini donne tout de même une universalité au propos.
Personne ne pourra en vouloir au metteur en scène québécois d’avoir choisi des acteurs français pour interpréter ce texte de Lagarce. D’abord, il faut d’excellents acteurs pour rendre toute la vérité aux mots et aux non-dits de Largarce. Ce genre d’interprètes existe évidemment au Québec. Par contre, il faut aussi des acteurs qui maîtrisent parfaitement cette langue particulière dans laquelle ils doivent trouver un naturel. Sur ce point, Dolan réussit son coup haut la main. La distribution est bluffante, émouvante, renversante… Les qualificatifs manquent. Gaspard Ulliel est bouleversant, Nathalie Baye poignante, Vincent Cassel inquiétant, Marion Cotillard empathique et Léa Seydoux touchante. Leur interprétation est si nuancée qu’ils sont capables de dire quelque chose tout en faisant ressentir l’inverse. Un de ces grands moments d’interprétation survient lors de la scène de rencontre entre les personnages de Gaspard Ulliel et Marion Cotillard. Une séquence sans mot, où les deux interprètes parlent avec leurs yeux. L’effet est saisissant, tout se comprend alors que rien n’est dit. De l’interprétation de haut niveau.
Xavier Dolan a l’habitude de diviser. Bien sûr, il tend à faire consensus au sein de la critique, mais il a toujours eu sa part de détracteurs. Il est certain que ceux-ci n’adhéreront pas à sa nouvelle proposition qui est du Dolan pur et dur. Voilà pourquoi on aime ou pas son cinéma en général. Sa griffe ne laisse pas indifférente. Dans Juste la fin du monde, les traits de mise en scène qui ont fait la force de Mommy sont clairement identifiables, mais sans avoir la même force émotive ou la même originalité : chansons populaires, ellipses ultras stylisées, scène de danse dans la cuisine. Cependant, Dolan réussit à porter à l’écran un texte casse-gueule pour le cinéma. L’adaptation aurait facilement pu se perdre dans une simple succession de dialogues alors qu’elle s’en trouve magnifiée par sa mise en scène et sa direction d’acteurs. La photographie d’André Turpin, constituée essentiellement de gros plans, donne une sensation d’emprisonnement à ce dîner familial comme ces personnages sont prisonniers de leur incapacité à se parler.
Comme à l’habitude, certains adoreront, d’autres détesteront. Certains reprocheront à la critique québécoise et française d’être complaisante envers Xavier Dolan. Peut-être existe-t-il un biais en sa faveur ici et outre-mer, mais il est difficile de justifier des critiques aussi négatives que celles diffusées par les critiques anglo-saxons à Cannes. Juste la fin du monde mérite amplement les éloges qui lui ont été faits et le Grand Prix qu’il a reçu à Cannes. Se borner à considérer Xavier Dolan comme un jeune réalisateur arrogant usant des clichés du cinéma d’auteur est malhonnête. Si, après six films de grande tenue, on ne peut pas admettre qu’il est un des plus grands réalisateurs québécois, ou, du moins, l’une des voix les plus singulières de notre cinéma, on a les yeux volontairement fermés.
Juste la fin du monde est actuellement en salle au Québec.